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ÉLOGE DE L'HÔPITAL.


France une république, dont le prince de Coudé serait le chef. Le parti contraire accusait les Guises de vouloir détruire la maison de Bourbon pour parvenir au trône ; et les trois fils de Henri II, encore à la fleur de leur âge, voyaient déjà leurs sujets disposer de leur trône et se partager leurs dépouilles. L’amour des Français pour leur roi semblait éteint dans tous les cœurs ; il ne restait plus ni respect ni attachement pour des princes esclaves de leurs favoris ; abandonnant la nation à leur avarice effrénée, et ne montrant de courage que pour verser le sang de ceux dont un devoir sacré leur prescrivait d’être les défenseurs.

Le chancelier vit que Charles se défiait de sa fidélité, et le jour même il quitta la cour pour se retirer au Vignay.

On s’étonnera peut-être de la durée de ce ministère, si court pour la nation. Comment un homme vertueux put-il rester près de huit années à la cour de Médicis ? Mais l’Hôpital possédait des qualités qui semblent incompatibles, et que lui seul peut-être a réunies : un esprit fin et un génie profond ; une âme passionnée et forte, mais douce et modérée ; un caractère inflexible et une conduite souple ; de l’habileté et de la vertu.

Morvilliers alla lui demander les sceaux, et reçut, en tremblant, ce dépôt que l’Hôpital lui rendit avec joie. Morvilliers paraissait accablé du poids de sa place, et surtout du grand nom de celui à qui on le forçait de succéder. L’Hôpital avait tracé une route qu’il était difficile de suivre ; et l’opprobre était le