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ÉLOGE DE L’HÔPITAL.


secrets, elle avait regardé le chancelier comme le seul homme qu’elle pût estimer assez pour se fier à lui ; elle avait vaincu pour son propre intérêt la répugnance que les âmes corrompues ont pour la vertu, et cette répugnance peut-être plus grande encore que les âmes faibles ont pour les âmes fortes : elle devint jalouse du chancelier dans le moment où, n’ayant plus qu’une autorité précaire, elle trouva dans ce ministre un rival qui pouvait la balancer auprès de son fils ; elle avait cru que l’Hôpital serait sa créature ; elle vit avec fureur que la patrie seule avait des droits sur lui ; que toutes ses vues, tous ses pas tendaient à rétablir la paix, à diminuer le luxe, à réformer les lois ; et que, dans un royaume gouverné par l’Hôpital, les lois seules auraient de l’autorité, et le zèle pour l'État du crédit et de la faveur.

Telles étaient les dispositions de Catherine, lorsque le duc d’Albe vint amener à Bayonne la sœur de Charles IX, mariée par politique à l’ennemi de sa famille, et destinée à être bientôt une de ses victimes. L’intérêt de l’Espagne était d’affaiblir la France, et d’y détruire les protestants, ennemis déclarés de l’Espagne et protecteurs naturels des révoltés de Flandre. Le sanguinaire Tolède trouva dans Catherine une âme propre à goûter ses vues : il lui dit que, tant qu’il resterait en France deux partis, le gouvernement aurait besoin de se livrer à l’un des deux ; que le choix du roi pouvait peut-être rendre à son gré le prince de Coudé ou le cardinal de Lorraine alternativement les arbitres de l’Etal, mais