recueillir seul tout le fruit. Il cède sans peine au connétable ce commandement et ces honneurs, source
de leurs anciennes inimitiés, sûr d’être le premier
en effet, puisqu’il est le plus habile.
A peine est-il assuré de ses deux alliés, qu’il fait attaquer par ses satellites les protestants assemblés sur la foi des édits [1].
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Le bourg de Vassy était sur le chemin de ses terres à Paris : il s’y rend avec une troupe de brigands avides de sang et de pillage ; il fait ordonner de sa part aux protestants, occupés à réciter des prières, de se séparer. C’était sous la sauvegarde de la
loi qu’ils étaient assemblés, et l’ordre du duc de Guise était un crime contre l’autorité du roi. Ces malheureux refusent d’obéir ; à l’instant les soldats du duc de Guise fondent sur eux, et les égorgent presque sans résistance. Le carnage dura tout le jour, il ne cessa qu’aux prières de la duchesse de Guise, princesse de la
maison d’Est, qui jamais ne partagea ni les projets ambitieux de son époux, ni les fureurs de son fils ; qui sauva, à la journée de la Saint-Barthélémy, la fille du chancelier de l’Hôpital ; et dont l’esprit juste et l’âme sensible avaient été formés pour un autre siècle.
Le duc de Guise voulut s’excuser de ce massacre ; mais il suffit de lire les apologies qu’il publia, pour voir combien il était coupable. Peut-on croire qu’il n’eût aucun projet de massacre, lorsqu’on voit qu’il avait promis à sa mère de la délivrer bientôt du voisinage des temples protestants ; qu’il se fit accompagner d’une troupe beaucoup plus nombreuse que son escorte ordinaire ; qu’il se détourna de son chemin pour traverser le bourg de Vassy ; qu’il fit prendre une autre route à sa femme et à ses fils ; qu’il leur avait fait entendre la messe dans un autre village, pour qu’ils n’eussent aucune raison de vouloir le suivre à Vassy ? Croira-t-on que le duc de Guise ait pu faire dire sérieusement aux protestants de Vassy d’interrompre leurs prières, parce que leurs chants l’empêchaient d’entendre la messe dans une église voisine de