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la France entière. La sombre terreur que l’inquisition jette dans toutes les âmes, la défiance qu’elle sème autour de chaque citoyen, eût détruit toute l’activité de la nation ; l’agriculture, le commerce, les arts, les lumières, tous ces germes de la puissance nationale et de la prospérité publique, auraient été frappés de stérilité et de mort ; et pour amener de longs siècles d’ignorance, de faiblesse, de honte et de misère, il n’aurait fallu qu’un entretien d’une heure entre deux ambitieux.

L’Hôpital arrête l’exécution de ce dessein ; il montre au cardinal que la vigilance tyrannique de l’inquisition révolterait une nation vive, légère, confiante, et qui semble n’être attachée qu’à une seule espèce de liberté, la liberté de parler ; que, capable de toutes les horreurs par légèreté ou emportement, on ne pourrait jamais la familiariser avec des atrocités froides et réfléchies : enfin, il lui propose de substituer à l’établissement de l’inquisition une loi moins contraire aux idées nationales, et il dresse l’édit de Romorantin.

Dans cet édit, la connaissance du crime d’hérésie est attribuée aux évêques ; on défend les assemblées sous peine de mort : mais, sous prétexte d’opposer au mal un remède plus prompt, on accorde aux prévôts et aux juges des présidiaux le droit de juger souverainement de ce genre de crimes. Les termes de l’édit étaient équivoques, et le chancelier, qui disposait de ces juges, pouvait leur ordonner de ne regarder comme criminelles que les assemblées séditieuses, comme celles qui avaient précédé la con-