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ÉLOGE DE L'HÔPITAL.

Le peuple, qui ne songeait qu’à défendre sa croyance et ses autels, était, sans le savoir, le jouet de deux factions puissantes, qui cherchaient à nourrir, chacune dans son parti, un zèle utile à leurs desseins politiques.

Les princes de la maison de Lorraine avaient fondé, sur le titre de protecteurs de la religion catholique, l’espérance de réaliser leurs vastes projets ; ils voulaient lier si bien leur cause avec celle de l’Église, que le peuple s’accoutumât à confondre


    fendre ; ils voulurent connaître leurs forces, et eux-mêmes furent étonnés de leur nombre et de leur puissance.

    Si les protestants n’avaient demandé que la réforme de quelques abus ; si les catholiques s’étaient bornés à défendre la pureté de leurs dogmes, peut-être eût-on conservé quelque espérance de les réunir ; du moins eût-on pu se flatter de voir ces deux religions suivre chacune ses dogmes et son culte, et n’être plus rivales que par la pureté des mœurs. Mais trop de gens étaient intéressés à fomenter les troubles. En vain les ministres protestants, plus attachés aux intérêts politiques de leur parti qu’aux opinions de leur secte, s’expliquaient sur l’eucharistie et sur le culte des saints avec une modération qui semblait les rapprocher des catholiques. On vit des hommes, qui cherchaient à troubler la paix, remplir d’images les grands chemins et les places publiques ; on arrêtait les protestants ; on les forçait de rendre un culte à ces images ; on maltraitait ceux qui s’y refusaient. Ulcéré de ces violences, le culte rendu aux images leur parut une lâcheté ; déjà ils traitaient d’idolâtrie ce qu’ils n’avaient d’abord regardé que comme une innovation dangereuse faite dans le culte ; et il était aisé de prévoir qu’ils finiraient par briser ce qu’ils osaient nommer des idoles, et qu’il n’y aurait plus de réconciliation à espérer entre des hommes qui se regardaient réciproquement comme des idolâtres ou comme des sacrilèges.