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ÉLOGE DE L’HÔPITAL.


impossible, la conservation de la paix ; et ses premiers soins devaient être employés à prévenir la guerre civile.

Tous les partis la désiraient, tous s’y préparaient en secret, tous semblaient la croire inévitable.

Depuis longtemps l’usage que plusieurs papes avaient fait de l’autorité ecclésiastique, le faste et les mœurs des chefs du clergé, le scandale trop fréquent des moines mendiants, les superstitions, les vaines expiations qui souillaient alors une religion dont à son origine le culte et la morale étaient également simples ; tous ces abus excitaient des murmures et des réclamations. Le supplice de ceux qui avaient osé élever la voix, loin d’effrayer leurs partisans, n’avait fait qu’exciter leur enthousiasme, animer leur courage, et augmenter le penchant naturel qu’ont les âmes fortes pour les opinions hardies et dangereuses [1].

  1. La religion catholique avait déjà perdu l’Angleterre, la Suède, le Danemark, une partie de l’Allemagne et de la Suisse. Les cruautés de Philippe II avaient soulevé contre elle les Pays-Bas ; la France avait d’abord paru tranquille.

    Les protestants, dispersés et tremblants, semblaient n’être occupés que du soin de cacher leur culte, et de conserver leur vie sans trahir leur conscience ; et tant que les victimes immolées par Henri II et par son père furent des prédicateurs ou des théologiens obscurs, les partisans qu’ils avaient à la cour, dans la noblesse, dans le clergé même, se contentèrent de gémir en secret. Mais le supplice d’Anne du Bourg, fils du chancelier de ce nom, condamné par des commissaires, malgré sa qualité de conseiller au parlement, montra qu’il n’y avait aucun partisan de la réforme qui ne dût trembler : alors ils songèrent à se dé-