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ÉLOGE DE L’HÔPITAL.


qui rendent les mœurs plus atroces sans rendre le crime moins fréquent ; abandonner au mépris public les actions secrètes, dont les preuves obscures, incertaines, ne peuvent s’acquérir que par la trahison et le scandale, ces actions que la morale condamne, mais que la loi ne peut punir sans exposer à une oppression arbitraire l’honneur et la sûreté des citoyens.

Veiller à ce qu’il n’y ait aucun droit des hommes qui puisse être violé sans enfreindre une loi positive, afin que le silence de la loi ne mette pas à couvert celui que le droit de la nature défend d’absoudre ; mais éviter plus soigneusement encore les lois inutiles, celles qui statuent sur des objets indifférents au bonheur public ; car toute loi qui n’est pas nécessaire est un acte de tyrannie.

Changer toutes ces institutions, qui, mettant la loi en contradiction avec les principes de l’honneur ou des mœurs publiques, forcent l’homme de bien de s’élever au-dessus des lois ; supprimer les lois anciennes devenues contraires aux préjugés et aux usages actuels ; car il ne faut point accoutumer le peuple à se faire un jeu de transgresser les lois [1].

Craindre même de publier de bonnes lois, lorsque des préjugés ou des factions pourraient en empêcher l’exécution ; car c’est un grand mal qu’une bonne loi qui n’est pas exécutée.

  1. Ces lois, tombées en désuétude, mais que les ministres de la justice peuvent remettre en vigueur, ne servent qu’à donner des armes aux méchants contre l’homme vertueux, à qui l’on ne peut supposer que des crimes imaginaires.