sans remords, et le regardant comme un simple
moyen de politique ; se croyant plus habile à mesure
qu’elle augmentait la liste de ses atrocités, mais
affable et sachant se faire aimer de cette classe
d’hommes malheureusement trop nombreuse, qui
pardonne aux princes d’oublier dans leur conduite
qu’ils sont des hommes, pourvu que dans leurs
manières ils paraissent s’en souvenir quelquefois ;
bienfaisante, mais de cette bienfaisance qui est utile
aux courtisans et funeste aux peuples : telle était
Catherine. Elle voulait alors qu’un chancelier, qui
fût son ouvrage, l’aidât à balancer le pouvoir des
Guises : elle n’aurait pas eu le crédit de faire nommer
un de leurs ennemis ; il fallait donc choisir
parmi les hommes trop peu considérables encore
pour que leur parti, leurs opinions fussent connus ;
mais il fallait aussi un magistrat qui réparât l’obscurité de sa naissance par l’éclat de sa réputation.
L’Hôpital lui parut propre à remplir ses vues, et elle
eut l’art de le faire accepter, ou plutôt de le faire
choisir par les Guises. Ainsi, l’élévation du chancelier
de l’Hôpital fut le fruit d’une intrigue. Les hommes
de génie parviennent donc quelquefois aux
places que la nature leur a marquées ; mais trop
souvent, c’est l’erreur, et non la justice qui les y
porte : aussi leurs protecteurs sont-ils les premiers
à devenir leurs ennemis, lorsqu’ils trouvent un
homme où ils espéraient ne trouver qu’un complice.
L’Hôpital, éloigné de la cour, était innocent de ces
intrigues
[1]
, et il lui fut permis d’être vertueux,
- ↑ Lorsque l’Hôpital fut nommé chancelier de France, il était