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ÉLOGE DE L’HÔPITAL.


du malheur de ses semblables : le philosophe qui croit l’homme méchant, doit voir tranquillement des crimes qui ne sont à ses yeux que la suite nécessaire de l’ordre du monde.

Ministres des autels, magistrats, chefs de la noblesse, pardonnez si je retrace les fautes de vos prédécesseurs ou de vos ancêtres. Quand j’oserais dissimuler la vérité, pourrais-je l’anéantir ? Et que ferait un lâche déguisement, sinon de laissera la postérité un coupable de plus à flétrir ? Si ces crimes sont une tache pour vous, ce n’est qu’à force de vertus que vous pouvez l’effacer ; et le seul moyen de faire oublier les maux qu’ont faits vos ancêtres, c’est de les réparer.

Je parlerai des atrocités que le fanatisme a inspirées, sans craindre que ceux qui aiment la religion puissent m’en faire un crime. Si la religion a été établie pour le bonheur des hommes, par un Dieu leur père commun, certes, ce n’est pas elle qui allume des bûchers et ordonne des massacres.

Je dirai qu’il y avait des abus dans l’Église : comparez les mœurs de notre clergé, ses lumières, l’ordre qui règne dans l’exercice de sa juridiction, la morale qu’il enseigne au peuple, avec ce qu’était au seizième siècle ce même clergé, et osez prétendre qu’il n’y avait point alors d’abus à réformer.

L’Hôpital disait aux magistrats assemblés à Rouen : « Vous êtes les juges du droit et non de la doctrine ; il ne s’agit pas de décider lequel est le meilleur chrétien, mais de quel côté est la justice. »

On peut adresser ces mêmes paroles à l’historien,