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ÉLOGE DE TURGOT.


l’envie et par la cupidité, fidèle à la confiance du prince sans trahir les droits des citoyens, servir la nation sans songer à capter ses suffrages ; briser d’une main ferme, au milieu des orages, les chaînes qui accablaient les propriétés et les hommes, ne regretter, en perdant sa place, que la destruction du bien qu’il avait osé faire, et se consoler avec l’idée que ce bien renaîtrait un jour par la force invincible de la vérité.

Mais il était condamné au malheur de perdre ce frère qui avait été, dans les circonstances difficiles de la vie, son guide, son consolateur et son appui ; malheur partagé par la nation, qui l’avait connu trop tard, et qui depuis, dans ses maux comme dans ses espérances, n’a cessé d’appeler, par de vains regrets, ce génie restaurateur, dont les lumières sûres ne laissaient à craindre aucune erreur, en qui la vertu ne permettait de soupçonner aucun retour de lui-même, dont le caractère éloignait toute idée de faiblesse, en un mot qui semblait formé par la nature pour ces moments heureux, mais difficiles, d’une création nouvelle, où la vérité et la vertu peuvent exercer tout leur empire, mais où les passions, l’ignorance et les fausses lumières, ne peuvent céder qu’à l’ascendant d’une raison simple et profonde, d’une âme élevée au-dessus de toutes les craintes, et inaccessible à tous les prestiges de la gloire.

Il mourut le 21 octobre 1789.

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