quelles le ministre exigea que Turgot se justifiât.
Non-seulement il réfuta toutes ces inculpations avec évidence, avec cette fermeté calme et imposante qui convient à l’innocence accusée, mais il osa remonter jusqu’à la source des maux qui avaient affligé la colonie ; et s’il ne s’abaissa point jusqu’à récriminer contre ses persécuteurs, il en dit assez pour détromper un ministre vigilant, et lui faire connaître à quels hommes sa confiance le livrait. Il fut puni, par une lettre de cachet, d’avoir exposé le ministre à des doutes sur l’intelligence ou la probité de ses subalternes. Si l’accusation eût été publique, la justification de Turgot eût entraîné tous les esprits ; mais une accusation secrète, repoussée en secret, et suivie d’une punition arbitraire, laisse subsister toutes les préventions ; un nuage qu’il est difficile de dissiper entièrement couvre toutes ces discussions obscures, et enveloppe presque également l’innocence ou le crime.
Dans toutes les administrations où les accusations et les réponses, les motifs des disgrâces comme ceux des récompenses, restent sous un voile mystérieux, où la publicité donnée à ses plaintes ou à ses réclamations serait regardée, sinon comme un délit, du moins comme un de ces torts qu’on ne pardonne jamais, l’homme de bien est dégoûté par la crainte de l’opinion qu’il ne peut éclairer, le méchant est encouragé par l’espérance de la séduire en sa faveur, et la calomnie, même en ne réussissant pas, est toujours sûre de nuire. Tout l’avantage est pour l’homme adroit et corrompu, qui sait enchaîner la