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ÉLOGE DE M. EULER.


septième terme une série convergente assez compliquée ; leurs résultats, quoique formés d’après un calcul écrit, différaient d’une unité au cinquantième chiffre : ils firent part de cette dispute à leur maître ; M. Euler refit le calcul entier dans sa tète, et sa décision se trouva conforme à la vérité.

Depuis la perte de sa vue, il n’avait d’autre amusement que de faire des aimants artificiels, et de donner des leçons de mathématiques à un de ses petits-fils, qui lui paraissait annoncer d’heureuses dispositions.

Il allait encore quelquefois à l’Académie, principalement dans les circonstances difficiles, où il croyait que sa présence pouvait être utile pour y maintenir la liberté. On sent combien un président perpétuel, nommé parla cour, peut troubler le repos d’une académie, et tout ce qu’elle en doit craindre, lorsque, n’étant pas choisi dans la classe des savants, il ne se sent pas même arrêté par le besoin qu’a sa réputation du suffrage de ses confrères : comment des hommes, uniquement occupés de leurs paisibles travaux, et ne sachant parler que le langage des sciences, pourraient-ils alors se défendre, surtout si, étrangers, isolés, éloignés de leur patrie, ils tiennent tout du gouvernement auquel ils ont à demander justice contre le chef que ce gouvernement même leur a donné ?

Mais il est un degré de gloire où l’on se trouve au-dessus de la crainte ; c’est lorsque l’Europe entière s’élèverait contre une injure personnelle faite à un grand homme, qu’il peut sans risque déployer contre