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ÉLOGE DE FRANKLIN.


se fait mieux, arrive plus sûrement et dure plus longtemps.

Il craignait pour la liberté, comme pour la prospérité des sociétés, ces opinions exagérées, sous lesquelles des esprits superficiels ou vains cachent la nullité de leurs principes ou la perversité de leurs projets. Il détestait surtout ce machiavélisme coupable qui ne rougit point d’employer pour la liberté des moyens réprouvés par la justice, et qui ne craint pas d’en avilir et d’en compromettre la cause en la confiant à des talents que le vice a déshonorés. Celui, disait-il, qui se permet le crime pour devenir libre, le commettrait sans remords pour se rendre maître ; et l’homme qui a souillé sa vie par des perfidies ou par des bassesses, incapable d’aimer la liberté, ne la sert que pour la trahir.

En un mot, sa politique était celle d’un homme qui croit au pouvoir de la raison et à la réalité de la vertu, et qui avait voulu se rendre l’instituteur de ses concitoyens avant d’être appelé à en devenir le législateur.

Sa mort fut un jour de deuil pour les amis de la liberté dans les deux mondes. Aucun peuple ne voyait un étranger dans celui dont les travaux, l’influence ou l’exemple avaient été utiles à tous les hommes. Ses compatriotes se rappelaient ses heureux efforts pour les former à l’habitude de discuter leurs affaires communes, pour répandre dans les générations nouvelles la connaissance de leurs droits et de leurs devoirs ; ils comparaient ce qu’ils étaient, lorsqu’ils le reçurent parmi eux, à ce qu’ils étaient devenus ;