pre, mais qu’ils n’ont pu civiliser, avaient été depuis longtemps l’objet de sa curiosité et de ses observations.
En les comparant avec les nations de l’Europe,
il voyait jusqu’à quel point les progrès de la société
avaient affaibli les facultés physiques de l’homme,
et agrandi son intelligence ; comment les institutions
sociales nous avaient tantôt corrompus, tantôt
perfectionnés ; ce que nous leur devions de
vertus et de vices ; par quel intervalle immense les
prodiges des arts, les efforts de la raison nous séparaient de ces hommes voisins de la nature ; tandis
que, si on mettait seulement dans la balance nos
progrès vers la liberté, vers le bonheur, vers la
vertu, on trouverait bien faibles les avantages que
nous avons achetés par cette longue suite de crimes
et de malheurs qui ont accompagné notre marche
jusqu’ici si incertaine et si turbulente. En comparant
la vie du sauvage à celle de l’habitant des campagnes,
il trouvait que nous avons fait beaucoup
pour la classe des hommes à qui les lumières ne sont
pas étrangères, mais encore bien peu pour la généralité
de l’espèce humaine ; et que si l’homme vertueux,
qui exerce sa raison, est supérieur à l’habitant
des forêts de l’Ohio, l’homme vulgaire n’a fait
souvent que changer la férocité du sauvage contre
des vices avilissants, et son ignorance contre des
préjugés.
Plus d’une fois il s’est plu dans ses ouvrages à opposer le bon sens naïf des Indiens à l’orgueilleuse raison des hommes civilisés, leur calme inaltérable et leur indifférence profonde aux passions qui nous