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ÉLOGE DE FRANKLIN.


ville dont il était destiné à devenir le législateur, et d’où, cinquante ans après, il devait partir chargé de la destinée des deux mondes.

Après un séjour très-court à Philadelphie, il s’embarqua pour Londres, trompé par le gouverneur de Pensylvanie, qui lui avait promis les moyens d’acquérir les caractères et les presses nécessaires pour établir une imprimerie en Amérique. Arrivé en Angleterre, il s’y trouva sans aucune ressource que son art, qui, pour lui, n’était encore qu’un métier. Mais il avait senti de bonne heure les avantages qu’il pouvait retirer de la sobriété et du travail. Il était accoutumé à un régime économique, mais sain, propre à réparer ses forces, mais qui conservait à sa tète une liberté entière. Ce que gagnait un ouvrier anglais était beaucoup pour un philosophe américain, et lui donnait la facilité de consacrer à son instruction une partie de son temps et de ses salaires.

Il lut alors les ouvrages de Collins et de Shaftesbury ; ils lui inspirèrent les principes de ce scepticisme qui, dans les écoles grecques, avait dégénéré en une ridicule charlatanerie, mais qui, chez les modernes, dégagé de ces subtilités pédantesques, est devenu la véritable philosophie, et qui consiste, non à douter de tout, mais à peser toutes les preuves, en les soumettant à une rigoureuse analyse, non à prouver que l’homme ne peut rien connaître, mais à bien distinguer et à choisir pour objet de sa curiosité ce qu’il est possible de savoir.

Palmer, chez qui Franklin travaillait, imprimait