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ÉLOGE DE M. DE BUFFON.

Aristote a été souvent égaré par cette vaine métaphysique de mots, vice de la philosophie grecque, dont la supériorité de son esprit ne put entièrement le garantir.

La crédulité de Pline a rempli son ouvrage de fables, qui jettent de l’incertitude sur les faits qu’il rapporte, lors même qu’on n’est pas en droit de les reléguer dans la classe des prodiges.

On n’a reproché à M. de Buffon que ses hypothèses : ce sont aussi des espèces de fables, mais des fables produites par une imagination active qui a besoin de créer, et non par une imagination passive qui cède à des impressions étrangères.

On admirera toujours dans Aristote, le génie de la philosophie : on étudiera dans Pline, les arts et l’esprit des anciens ; on y cherchera ces traits qui frappent l’âme d’un sentiment triste et profond ; mais on lira M. de Buffon pour s’intéresser comme pour s’instruire ; et tandis qu’il continuera d’exciter pour les sciences naturelles un enthousiasme utile, les hommes lui devront longtemps et les doux plaisirs que procurent à une âme jeune encore les premiers regards jetés sur la nature, et ces consolations qu’éprouve une âme fatiguée des orages de la vie, en reposant sa vue sur l’immensité des êtres paisiblement soumis à des lois éternelles et nécessaires.

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