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ÉLOGE DE M. DE BUFFON.


nouvelle forme au Cabinet du roi ; il avait besoin et de repos et du concours général des suffrages : or, quiconque attaque des erreurs, ou laisse seulement entrevoir sort mépris pour elles, doit s’attendre à voir ses jours troublés, et chacun de ses pas embarrassé par des obstacles. Un vrai philosophe doit combattre les ennemis qu’il rencontre sur la route qui le conduit à la vérité, mais il serait maladroit d’en appeler de nouveaux par des attaques imprudentes.

Peu de savants, peu d’écrivains ont obtenu une gloire aussi populaire que M. de Buffon, et il eut le bonheur de la voir continuellement s’accroître à mesure que les autres jouissances, diminuant pour lui celles de l’amour-propre, lui devenaient plus nécessaires. Il n’essuya que peu de critiques, parce qu’il avait soin de n’offenser aucun parti, parce que la nature de ses ouvrages ne permettait guère à la littérature ignorante d’atteindre à sa hauteur. Les savants avaient presque tous gardé le silence, sachant qu’il y a peu d’honneur et peu d’utilité pour les sciences à combattre un système qui devient nécessairement une vérité générale, si les faits le confirment, ou qui tombe de lui-même s’ils le contrarient.

D’ailleurs, M. de Buffon employa le moyen le plus sûr d’empêcher les critiques de se multiplier ; il ne répondit pas à celles qui parurent contre ses premiers volumes. Ce n’est point qu’elles fussent toutes méprisables. Celles de M. Haller, de M. Bonnet, de M. l’abbé de Condillac, celles même que plusieurs savants avaient fournies à l’auteur des Let-