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ÉLOGE DE M. DE BUFFON.


entre les individus, et des actions qui semblent appartenir au raisonnement, qui indiquent même des idées abstraites et générales.

La première classe d’animaux, décrite par M. de Buffon, est celle des quadrupèdes ; la seconde, celle des oiseaux, et c’est à ces deux classes que s’est borné son travail. Une si longue suite de descriptions semblait devoir être monotone, et ne pouvoir intéresser que les savants. Mais le talent a su triompher de ces obstacles. Esclaves ou ennemis de l’homme, destinés à sa nourriture, ou n’étant pour lui qu’un spectacle, tous ces êtres, sous le pinceau de M. de Buffon, excitent alternativement la terreur, l’intérêt, la pitié ou la curiosité. Le peintre philosophe n’en appelle aucun sur cette scène toujours attachante, toujours animée, sans marquer la place qu’il occupe dans l’univers, sans montrer ses rapports avec nous. Mais s’agit-il des animaux qui sont connus seulement par les relations des voyageurs, qui ont reçu d’eux des noms différents, dont il faut chercher l’histoire et quelquefois discuter la réalité, au milieu de récits vagues et souvent défigurés par le merveilleux, le savant naturaliste impose silence à son imagination ; il a tout lu, tout extrait, tout analysé, tout discuté ; on est étonné de trouver un nomenclateur infatigable, dans celui de qui on n’attendait que des tableaux imposants ou agréables ; on lui sait gré d’avoir plié son génie à des recherches si pénibles, et ceux qui lui auraient reproché peut-être d’avoir sacrifié l’exactitude à l’effet, lui pardonnent et sentent ranimer leur confiance.