dernes, qui, en les imitant, les ont souvent surpassés,
ni ces souvenirs d’un peuple-roi, sans cesse rappelés par
des monuments dignes de sa puissance, ne frappèrent
M. de Buffon ; il ne vit que la nature, à la fois riante,
majestueuse et terrible, offrant des asiles voluptueux
et de paisibles retraites entre des torrents de laves et
sur les débris des volcans, prodiguant ses richesses à
des campagnes qu’elle menace d’engloutir sous des
monceaux de cendres ou de fleuves enflammés, et
montrant, à chaque pas, les vestiges et les preuves des
antiques révolutions du globe : la perfection des ouvrages
des hommes, tout ce que leur faiblesse a pu
y imprimer de grandeur, tout ce que le temps a pu
donner d’intérêt ou de majesté, disparut à ses yeux
devant les œuvres de cette main créatrice dont la
puissance s’étend sur tous les mondes, et pour qui,
dans son éternelle activité, les générations humaines
sont à peine un instant. Dès lors, il apprit à voir la nature
avec transport comme avec réflexion ; il réunit
le goût de l’observation à celui des sciences contemplatives ;
et les embrassant toutes dans l’universalité
de ses connaissances, il forma la résolution de leur
dévouer exclusivement sa vie. Une constitution qui le rendait
capable d’un travail long et soutenu, une ardeur qui lui faisait dévorer
sans dégoût, et presque sans ennui, les détails
les plus fastidieux ; un caractère où il ne se rencontrait
aucune de ces qualités qui repoussent la fortune,
le sentiment qu’il avait déjà de ses propres forces, le
besoin de la considération, tout semblait devoir l’appeler
à la magistrature, où
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ÉLOGE DE M. DE BUFFON.