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ÉLOGE DE M. M. DE LUYNES.


laissaient apercevoir la moindre trace ni d’effort, ni même de la plus légère contention ; on aurait cru qu’il prononçait un discours sur lequel sa mémoire s’était longtemps exercée, si une noble familiarité, un abandon touchant n’avaient empêché d’en avoir même l’idée.

La moitié de son revenu était distribuée en aumônes, et il tenait une balance égale entre tous les infortunés qui vivaient dans ses bénéfices. Que le riche dépositaire du bien des pauvres compatisse à leur misère, qu’il cède au sentiment de la bienfaisance dont son état lui fait un devoir, rien sans doute n’est plus simple ; mais que cette bienfaisance soit réglée par une justice impartiale, que l’indigent éloigné ait la même part que celui dont le bienfaiteur peut entendre les bénédictions, c’est là que la vertu commence ; et telle fut la conduite constante de M. le cardinal de Luynes.

Il craignit même que, par la suite trop commune de la non-résidence dans les abbayes, les pauvres de Corbie ne fussent négligés par ses successeurs, et il plaça quarante mille écus pour leur assurer des secours perpétuels. Aussi sa mort fut-elle une calamité publique pour ce peuple qui n’avait point connu le bienfaiteur qu’il pleurait ; et des yeux, qui jamais n’avaient rencontré ses regards, répandirent sur son tombeau les larmes de la reconnaissance.

Zélé pour la religion, il voyait avec peine qu’elle n’eût pas dans tous ceux qui la professaient, des enfants bien fidèles. Il s’efforça par des sermons, par des instructions pastorales, d’empêcher l’incrédulité