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ÉLOGE DE M. L’ABBÉ DE GUA.


elles ont détaché l’or qu’elles entraînent depuis tant de siècles. Content de voir son projet adopté à moitié, oubliant qu’il ne devait cette demi-réussite ni à la conviction ni à l’amitié du ministre, mais à la nécessité de paraître bien intentionné pour lui, il se chargea imprudemment d’un premier essai, n’eut point de succès, fit une chute de cheval, qui, après l’avoir rendu impotent plusieurs années, ne lui permit jamais de marcher qu’avec peine, et il n’obtint enfin que des reproches pour récompense de son zèle et pour dédommagement de son malheur.

Un projet qu’il fit ensuite sur les emprunts en général, et en particulier sur les emprunts par loteries, n’eut pas un succès plus heureux : il ignorait combien il trouverait d’hommes intéressés à écarter un géomètre connu pour avoir de la probité et du courage. Comment se donner devant lui la réputation d’un grand calculateur, quand on possède, pour toute science, la routine de l’arithmétique ? comment espérer de lui cacher cette adresse perfide qui sait, en trompant à la fois les pontes et les banquiers, réserver pour l’inventeur du jeu un avantage secret d’argent ou de crédit ?

D’ailleurs, M. l’abbé de Gua, incapable de dire ce qu’il ne pensait point, et fidèle aux devoirs d’un citoyen, commençait tous ses mémoires sur les loteries, par avouer qu’elles sont un jeu de hasard auquel on fait jouer à la fois une nation entière, et un impôt déguisé ; impôt d’autant plus onéreux, qu’on doit le regarder comme égal, non au profit