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ÉLOGE DE M. GUETTARD.


dispositions particulières plus communes qu’on ne croit, une occasion certaine de naître et de se montrer.

Par ce moyen, aucun homme né pour avoir du génie ne serait perdu pour la société ; les talents deviendraient moins rares, animés par une concurrence plus grande, et, s’entraidant les uns les autres avec plus de force, leur nombre ne serait pour eux qu’un moyen de plus de se perfectionner et de s’agrandir.

On destinait M. Guettard à l’état d’apothicaire à Étampes ; c’était le vœu du respectable vieillard qui avait veillé sur ses premières années. Être utile à ses compatriotes ; répandre des secours sur des malheureux fixés près de lui, attachés au même sol ; pouvoir veiller sur le bien qu’il leur avait fait et le perfectionner ; ajouter au plaisir de la bienfaisance celui d’en revoir souvent les objets ; jouir de cette considération que donnent les lumières et la vertu auprès des hommes simples qui ne les apprécient pas, mais les jugent par leurs effets ; être heureux par la bonté, le repos et l’étude : tel avait été le sort de M. Descurain, et il n’en désirait pas un autre pour son petit-fils.

Cependant, lorsqu’il le vit, au sortir de ses études, obtenir l’estime, les encouragements de MM. de Jussieu, de ces hommes dont lui-même se faisait tant d’honneur d’être le correspondant et l’ami, il ne s’opposa point à la destinée plus brillante qui semblait s’offrir à l’enfant dans lequel il s’était accoutumé à voir l’appui de sa vieillesse. Il sacrifia