Aix-la-Chapelle, après une guerre glorieuse, était
encore un article nécessaire à la sûreté du ministère
britannique. En amusant l’orgueil de la populace
de Londres, elle lui fermait les yeux sur des objets
plus importants. Peut-être même cette condition,
qui, répétée à chaque traité, devenait de plus en
plus insupportable à la nation française, était-elle
un moyen de lui faire sentir plus vivement la nécessité
d’une marine puissante, qui la mît en état de
secouer un joug odieux ; et l’on pouvait croire
qu’elle serait plus frappée de cette humiliation
que des intérêts de son commerce. C’est ainsi qu’on
a vu quelquefois des mères courageuses placer sous
les yeux de leurs enfants les monuments qui attestaient
les désastres de leur famille, pour les forcer
à s’en occuper sans cesse, et à nourrir sans relâche
le désir ardent de les réparer.
Nous avons tiré ces réflexions d’un mémoire que M. le duc de Praslin avait rédigé sur le traité de 1763, pour préparer d’avance à ses amis et à sa famille une réponse contre ceux qui, accoutumés à juger sur les apparences, ne verraient, dans cette paix, que les sacrifices qu’elle a consommés, et oublieraient que ces sacrifices n’étaient qu’une partie de ce qu’on avait perdu par la guerre, sans qu’il restât aucune espérance de rien recouvrer. On voit dans ce mémoire qu’en signant le traité, M. le duc de Praslin avait prévu l’événement qui devait amener une guerre nouvelle, dans laquelle la France aurait une juste espérance de diminuer ou de détruire la supériorité navale de l’Angleterre,