Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/217

Cette page n’a pas encore été corrigée
205
ÉLOGE DE M. DE PRASLIN.


conquête flattait le plus l’orgueil de nos ennemis, qui ne nous offrait que des avantages éloignés, qui pouvait enfin devenir dangereuse pour ses nouveaux maîtres. Ainsi le Canada, avec ses dépendances, fut laissé aux Anglais : en le restituant à la France, l’Angleterre se fût assuré un moyen de nourrir, par la rivalité qui s’établit entre deux nations voisines, la haine des Américains pour le seul allié qui put les aider à défendre leur indépendance contre la mère patrie, et de les attacher à elle par la crainte de la domination d’un peuple dont les lois ne pourraient convenir à des hommes qui n’avaient quitté l’Europe que pour jouir de l’égalité politique et de la liberté religieuse. D’un autre côté, cette même crainte du voisinage des Français pouvait arrêter les chefs de la nation anglaise, s’ils étaient un jour assez imprudents pour essayer d’imposer un nouveau joug à un peuple qui ne portait déjà qu’avec une impatience menaçante celui auquel il était soumis. Aussi les ministres anglais avouèrent-ils que c’était à regret que, en abandonnant leurs conquêtes dans les Antilles pour garder le Canada, ils cédaient à l’opinion populaire, qu’une constitution orageuse les forçait de ménager. À la vérité, la France, déjà justement affligée de ces sacrifices nécessaires, vit, avec un sentiment d’indignation, détruire encore une fois les travaux de Dunkerque, et un commissaire de la Grande-Bretagne exercer dans une de nos villes son autorité étrangère. Mais cette condition, exigée par la paix d’Utrecht, et à laquelle on s’était soumis à