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ÉLOGE DE M. DE MILLY.


titution sous un langage bizarre, et sous une foule de cérémonies burlesques, a cependant toujours compté des sages parmi ses membres ; qui, enfin, ne se faisant connaître au dehors que par des actions de bienfaisance, eût mérité peut-être que la calomnie respectât ses mystères. S’il arrive un jour qu’ils soient dévoilés, on n’y trouvera sans doute que les précautions nécessaires, dans les siècles d’ignorance, à des hommes réunis pai le besoin d’exercer librement leur raison. Eh ! qui pourrait encore soupçonner l’innocence de ces mystères, lorsqu’on voit parmi les noms qu’unissait cette confraternité, celui de ce jeune prince, le seul qui, depuis les temps historiques, ait sacrifié sa vie pour l’humanité, tandis que tant d’autres ne l’ont immolée qu’à l’ambition ou à la gloire [1]?

M. le comte de Milly vivait dans le monde, et il y était aimé ; doux, complaisant, facile, ayant même autant de galanterie qu’on peut en avoir sans être frivole, c’était seulement dans la société des savants qu’il laissait apercevoir quelques traces d’une susceptibilité très-délicate ; mais il avait assez d’empire sur lui-même pour revenir sans peine, et soumettre à la raison les faiblesses d’un amour-propre d’autant plus sensible, mais aussi d’autant plus excusable, que, dans le peu de temps qu’il avait consacré aux sciences, il n’avait pu acquérir ces titres éclatants qui élèvent au-dessus de l’opinion une âme avide de renommée. Aussi, dans la seule discussion qu’il ait

  1. Le prince Léopold de Brunswick.