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ÉLOGE DE M. EULER.


mettre en état de profiter de cette faveur signalée.

Cette méthode excellente empêchait son génie naissant de s’épuiser contre des obstacles invincibles, de s’égarer dans les routes nouvelles qu’il cherchait à s’ouvrir ; elle guidait et secondait ses efforts : mais en même temps elle l’obligeait de déployer toutes ses forces, qu’il augmentait encore par un exercice proportionné à son âge et à l’étendue de ses connaissances. Il ne jouit pas longtemps de cet avantage ; et à peine eut-il obtenu le titre de maître es arts, que son père, qui le destinait à lui succéder, l’obligea de quitter les mathématiques pour la théologie : heureusement cette rigueur ne fut que passagère, on lui fit aisément entendre que son fils était né pour remplacer dans l’Europe Jean Bernoulli, et non pour être pasteur de Riechen.

Un ouvrage que M. Euler fit à dix-neuf ans, sur la mâture des vaisseaux, sujet proposé par l’Académie des sciences, obtint un accessit en 1727 ; honneur d’autant plus grand, que le jeune habitant des Alpes n’avait pu être aidé par aucune connaissance pratique, et qu’il n’avait été vaincu que par M. Bouguer, géomètre habile, alors dans la force de son talent, et déjà depuis dix ans professeur d’hydrographie dans une ville maritime.

M. Euler concourait en même temps pour une chaire dans l’université de Bâle ; mais c’est le sort qui prononce entre les savants admis à disputer ces places, et il ne fut pas favorable, nous ne disons point à M. Euler, mais à sa patrie, qui le perdit peu de jours après et pour toujours. Deux ans aupara-