pouvait leur faire, ne disant les vérités que mesure
qu’il les croyait utiles, mais ayant soin de faire
entendre celles qu’il ne disait pas pour qu’elles ne
fussent point perdues, et qu’on pût les retrouver
lorsqu’il serait temps de les révéler. M. de Tressan
avait vu Fontenelle, pendant le cours d’une si longue
vie, rendre les sciences respectables par ses
mœurs, en inspirer le goût, et en faire sentir l’utilité
par ses ouvrages, sans jamais leur attirer d’ennemis,
sans blesser l’amour-propre des ignorants,
sans les éblouir par trop d’éclat, ou les effrayer en
attaquant de front trop de préjugés à la fois. Modeste,
réservé dans son zèle pour la vérité comme
dans sa conduite, il exerçait ainsi sur les esprits de
son siècle une influence d’autant plus forte qu’elle se
faisait moins sentir, et qu’on profitait de la lumière
qu’il avait répandue sans apercevoir de quel point
elle était partie : c’était à lui que M. de Tressan devait en grande partie le bonheur que la culture des
lettres avait répandu sur les dernières années de sa
vie, et c’est à lui qu’il voulut consacrer les derniers
fruits de sa vieillesse. Dans la préface de cet éloge,
M. de Tressan semble prévoir sa fin prochaine, et
céder sans regret à la force qui l’entraînait dans le
tombeau, pourvu qu’elle lui permît de s’arrêter
encore un moment pour rendre un dernier hommage
à une mémoire chérie.
Des attaques de goutte répétées avaient épuisé ses forces, et il y succomba le 31 octobre 1783, laissant deux fils au service, dont l’un ne lui survécut que très-peu de temps ; un troisième, grand vicaire