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ÉLOGE DE M. DE TRESSAN.


Fayette : tous deux semblent avoir conservé le caractère de leur sexe, dans leur manière de peindre l’amour, et l’on y aperçoit à peu près la même différence que parmi les gens du monde on peut observer dans la manière de le sentir.

Il ne nous appartient pas de fixer la place que mérite M. le comte de Tressan dans un genre moins frivole qu’on ne croit, puisque la plupart des hommes, et surtout des femmes, ont pris dans les romans qu’ils ont lus une partie de leurs préjugés ou de leurs principes ; mais nous nous bornerons à observer qu’il n’est aucun romancier, ni même aucun poète, qui ne puisse envier le tableau si naïf, si original et si touchant de l’éducation d’Ursino.

C’est à l’âge de soixante-treize ans qu’on vit M. de Tressan se livrer à ces ouvrages dans lesquels on trouve toute la fraîcheur, toute la gaieté d’une imagination jeune et riante ; c’est à cet âge qu’il montra pour le travail une ardeur telle qu’un homme de lettres avide de renommée peut l’avoir au commencement de sa carrière.

Au milieu des douleurs de la goutte, il dictait un conte rempli des peintures les plus animées : il semblait que son corps et ses sens eussent vieilli seuls, et que l’âge et les infirmités eussent respecté son imagination et son esprit.

Si l’on regarde ces ouvrages comme ceux d’un vieillard, combien doit-on regretter que dans sa jeunesse il n’ait pas suivi la carrière des lettres avec la même ardeur ? mais peut-être aussi que son esprit, qu’il avait exercé toujours sans se fatiguer