respecté pour sa probité sévère, l’avait connu dès
son enfance, l’avait aimé avant que sa gloire fût
répandue, et l’a toujours aimé depuis. Je n’ai pu
avoir d’autre titre pour être placé dans une liste si
honorable, que l’amitié même de M. D’Alembert,
amitié que mon zèle pour l’étude m’avait méritée
dès ma jeunesse, que pendant plus de quinze ans
j’ai regardée comme un des premiers biens de ma
vie, et dont le souvenir doux et cruel ne s’affaiblira
jamais dans mon cœur, car il est des pertes
qui ne peuvent s’oublier, parce qu’elles ne peuvent
se réparer ; et lorsque l’ami qui nous a été enlevé
était un de ces hommes rares que plusieurs générations
ne peuvent quelquefois remplacer ; lorsque
son amitié tendre, active, courageuse, éclairée,
était unique comme lui-même ; lorsqu’on était
uni avec lui par ces rapports d’opinions, de goûts,
de sentiments, par cet attrait naturel, qui rendraient
irréparable la privation même d’un ami qui
n’aurait point d’autres titres à nos regrets, il ne
doit rester à ceux qui ont éprouvé de telles pertes,
et qui les ont vues se renouveler en peu d’années,
que la triste et douloureuse consolation de n’avoir
pas vécu sans connaître le bonheur.
M. D’Alembert est mort le 29 octobre 1783.
ÉLOGE DE M. DE TRESSAN.
Louis-Elisabeth de la Vergue, comte de Tressan, lieutenant général des armées du roi, commandeur