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ÉLOGE CHARAS.


pourtant n’étaient que trop fondées ; et Charas partit pour Madrid.

C’est ici le lieu de parler d’un de ses ouvrages, qui fut pour lui la source des événements les plus importants de sa vie. Il s’était fort occupé de l’histoire naturelle de la vipère, même avant que de venir à Paris, et l’on a inséré dans les Mémoires de l’Académie la description anatomique qu’il en a donnée.

La génération de ces reptiles vivipares ; la manière singulière dont, au temps de leurs amours, les parties inférieures de leurs corps s’embrassent et se serrent par des nœuds redoublés, tandis que, recourbant leur cou et rapprochant leurs têtes, ils entrelacent leurs langues doubles et flexibles ; la force et l’activité prodigieuse de leur venin ; les grandes vertus enfin qu’on attribue au bouillon de vipère, tout cela rendait ce reptile un objet de curiosité, d’espérance et de terreur. Charas avait donc bien des fables ridicules à détruire. Une des plus accréditées était l’opinion que chaque animal venimeux porte avec lui son remède, opinion imaginée par des hommes qui, persuadés que l’univers a été fait pour eux, regardent l’existence d’animaux qui peuvent leur nuire comme un désordre dont ils se croient obligés de justifier la Providence. Ce fut pourtant cette fausse opinion qui fît trouver le véritable remède du venin de la vipère, l’alcali volatil. Un des disciples de Charas, et Charas lui-même, furent mordus dans le cours de ses expériences, et il éprouva que le sel volatil de vipère était le remède le plus efficace. Or, la chimie a prouvé depuis que ce sel est de l'al-