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ÉLOGE D’HUYGHENS.


raient rejailli sur elle, et de n’avoir été qu’un grand homme.

Il avait connu Leibnitz pendant son séjour à Paris ; et c’était en partie dans la société d’Huygens que Leibnitz avait senti se développer son génie pour les mathématiques.

On voit dans la correspondance littéraire de Leibnitz et de Bernoulli, où ces deux illustres amis se confient leurs plus secrets sentiments, quelle profonde estime ils faisaient d’Huyghens ; combien ils étaient avides de ses manuscrits et jaloux d’y trouver leurs opinions, et avec quel triomphe ils opposaient le seul jugement d’Huyghens à la foule des adversaires qu’avait attirés aux calculs de l’infini le double démérite d’être nouveaux et sublimes. Si quelque chose a droit de flatter l’amour-propre, ce sont de tels éloges donnés par de grands hommes dans le secret, et auxquels la malignité ne peut soupçonner aucun motif qui en diminue le prix.

Huygens mourut le 5 juin 1695. On attribue sa mort à un excès de travail ; du moins la perte totale de ses facultés précéda sa mort de quelques mois. Il avait éprouvé un pareil accident dans le temps de son séjour à Paris ; alors un voyage dans son pays l’avait rétabli, et son génie avait pu reprendre ses forces, et, ce qui est plus singulier encore, retrouver les connaissances qu’il avait oubliées. Mais, après cette dernière rechute, il n’eut que quelques instants lucides, et ce furent les derniers de sa vie. Il en profita heureusement pour s’occuper de ses manuscrits, et il laissa à deux de ses disciples,