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ÉLOGE D’HUYGHENS.


et il n’est connu que par son disciple. Semblable au phosphore, qui rend lumineux tous les corps qu’il a touchés, l’homme de génie répand sa gloire sur tous les hommes qui l’ont approché.

En 1649, Huyghens accompagna en Danemark le comte Henri de Nassau. Descartes était alors en Suède ; Huyghens désirait passionnément de le voir, et il était déjà digne de converser avec lui ; mais le comte de Nassau retourna trop tôt en Hollande. Huyghens fut privé du bonheur de voir un grand homme, près d’être enlevé à un monde qui n’en avait pas senti le prix ; et Descartes n’eut pas le plaisir de prévoir tout ce que la philosophie devait espérer d’Huyghens.

Depuis l’année 1655 jusqu’en 1663, il fit plusieurs voyages en France et en Angleterre. Dans son premier séjour en France, il fut reçu docteur en droit de l’université d’Angers, où les protestants étaient alors admis.

Appelé par Colbert, en 1666, il vint à Paris jouir des encouragements que Louis XÏV donnait aux sciences, et il fut, jusqu’en 1681, un des plus illustres membres de l’ancienne Académie.

Les édits contre les protestants l’obligèrent à quitter la France. On essaya en vain de le retenir : il dédaigna une protection particulière qui n’aurait plus été celle des lois, et retourna dans son pays et dans sa famille, chercher la liberté et la paix. La fin de sa vie y fut troublée par des chagrins domestiques : peut-être sa famille eut-elle de la peine à lui pardonner d’avoir renoncé à tous les avantages qui au-