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ÉLOGE D’HUYGHENS.


qui presque toujours ne sont qu’approchés, et quelquefois même peu certains ; et la gloire, qui pouvait être autrefois le prix du génie seul, ne peut être aujourd’hui que le prix du génie et du travail.

Ainsi l’émulation n’est plus entretenue par des problèmes que les géomètres se proposent entre eux ; mais elle l’est par ces grandes et importantes théories que les sociétés savantes présentent à leur recherches. Cette émulation, plus utile par ses objets, a encore l’avantage de ne pas produire ces rivalités personnelles et publiques, qui peuvent engendrer des haines. Les disputes qui en naissent nuisent plus au progrès des sciences, en absorbant l’attention et le temps des géomètres, que ne leur servirait l’émulation plus vive que ces disputes peuvent exciter.

Huyghens s’était beaucoup occupé de la quadrature approchée du cercle et de l’hyperbole, et il avait trouvé, entre les propriétés de ces deux courbes, des rapports piquants et singuliers. Il fut chargé par l’Académie d’examiner le livre de Grégory sur cet objet, où le géomètre anglais prétendait donner à la fois une meilleure méthode d’approximation, et une démonstration de l’impossibilité de la quadrature absolue. Huyghens lui contesta ces deux points, et avec justice ; non qu’il se fut démontré que la quadrature absolue était possible, mais la démonstration de son impossibilité était insuffisante, et il semblait craindre qu’en ôtant aux géomètres l’espérance de la trouver, fût-elle même sans fondement, on ne nuisît aux progrès de la géométrie :