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ÉLOGE D’HUYGHENS.


cartes même lui avait appris à se servir, la géométrie appliquée à la mécanique. Il connut, par sa théorie des forces centrifuges, que les corps plongés clans ces tourbillons ne tendraient pas vers un centre commun, mais vers l’axe des tourbillons ; que, pour produire la pesanteur, il faudrait que ce tourbillon eut à l’équateur une vitesse dix-sept fois plus grande que celle de la terre autour de son axe, et qu’ainsi elle devrait accélérer le mouvement diurne de la terre ; qu’enfin les mêmes corps qui, plongés dans un fluide plus pesant qu’eux, remontent avec le plus de force à sa surface, devraient, suivant le système de Descartes, être les plus pesants, ce qui est contradictoire, même dans les termes [1].

Ces objections étaient insolubles. Mais Huyghens ne se contenta point d’avoir détruit l’explication que Descartes avait donnée de la pesanteur ; il voulut en imaginer une autre, et c’est encore un fluide qui est, selon lui, la cause de ce phénomène ; mais il le suppose mû d’une autre manière, qui à la vérité n’est guère préférable à celle de Descartes : seulement l’hypothèse d’Huyghens est plus compliquée, et par là plus difficile à détruire.

Les plus grands génies, même dans leurs conceptions les plus profondes, ne peuvent se défendre de l’empire de l’habitude et de l’éducation. On concevait alors plus aisément toutes les particules d’un fluide immense, comme ayant essentiellement un mouvement uniforme et circulaire avec un degré de vitesse

  1. Éclaircir cet endroit d’après l’original d’Huyghens.