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ÉLOGE DE PERRAULT.


sances réelles pour avoir le courage de convenir de ce qu’on ignore, comme il faut qu’une femme soit très-belle pour qu’elle ose parler des défauts de sa figure.

Quoique Perrault [1] ait été quelquefois trop systématique, cependant il s’éleva avec force contre une des plus dangereuses productions de l’esprit de système, la transfusion du sang. Il l’avait niée dès le moment où elle fut annoncée : Il serait plaisant, disait-il, qu’on pût changer de sang comme de chemise. Il combattit ensuite les raisonnements et les expériences des partisans de la transfusion, par des raisonnements plus plausibles, et surtout par des expériences faites avec plus de soin.

Perrault était né avec un talent distingué pour la mécanique. Il a donné les dessins de plusieurs machines, dont la plupart ont été employées dans les travaux qu’il a dirigés.

La traduction de Vitruve manquait à l’architecture, et sans Perrault elle lui manquerait peut-être encore. Il réunissait le goût, l’érudition et le savoir nécessaires pour réussir dans cette entreprise, où il fallait un homme qui connût également bien les anciens, les arts et la mécanique. Le texte de Vitruve avait été défiguré par des copistes ou des commentateurs qui ignoraient les arts ; douze siècles de barbarie avaient anéanti toute tradition sur les procédés que les anciens employaient ; souvent il fallait songer moins à entendre ce qui était dans l’original, qu’à suppléer ce

  1. Perrault avait peu de confiance en ses propres systèmes, qu’il ne regardait que comme des hypothèses plausibles.