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ÉLOGE DE PERRAULT.


anciens les plus respectables. Il n’y avait point de science où il fût plus nécessaire de détruire la déférence aveugle pour l’antiquité.

Les livres des anciens sur l’histoire naturelle ne sont remplis que de miracles, et ils les rapportent du même ton que les choses les plus vraisemblables. L’existence d’une race d’hommes sans tète, ou à tête de chien, n’étonne pas plus leur critique que celle d’une race d’hommes d’une couleur différente de la nôtre. Peut-être doit-on attribuer ce défaut de critique à la rareté des manuscrits ; un naturaliste, qui était parvenu à s’en procurer assez pour ramasser un grand nombre de faits incroyables, avait droit, pour cela seul, à la reconnaissance des hommes, naturellement amis du merveilleux.

Perrault eut le bonheur d’avoir à disséquer trois des animaux do !à l’histoire était le plus remplie de miracles : le caméléon, la salamandre et le pélican.

On sait que le caméléon des anciens se nourrissait d’air, et prenait la teinte de l’étoffe dans laquelle on l’enveloppait ; il était l’emblème de ces gens qui changent à chaque instant de caractère et d’opinions par faiblesse ou par intérêt. Perrault observa trois caméléons ; il ne trouva que des animaux qui vivaient longtemps sans manger, comme la plupart des reptiles, qui se nourrissent d’insectes, et dont la peau changeait comme change celle des hommes avec leur régime ou leurs affections.

Dans la salamandre, qui est incombustible selon Aristote, Perrault ne vit qu’un lézard, qui, si on a la barbarie de le jeter au feu, y résiste quelque temps,