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ÉLOGE DE M. DE VAUGANSON


forces et de l’industrie des hommes est à la fois et un excellent principe dans tous les arts, et une des maximes les plus certaines d’une politique éclairée.

Au milieu de tous ses travaux, M. de Vaucanson suivait en secret une idée qui l’occupa longtemps, et à l’exécution de laquelle le feu roi s’intéressait : c’était la construction d’un automate dans l’intérieur duquel devait s’opérer tout le mécanisme de la circulation du sang. D’après ses premiers essais, il osait presque répondre de quelque succès, et l’on sait combien il était éloigné de promettre légèrement. Tout le système vasculaire devait être de gomme élastique ; mais il fallait pour cela qu’il fût exécuté dans le pays qui produit cette gomme ; un anatomiste habile aurait été dans la Guyane présider à ce travail ; le roi avait approuvé le voyage, l’avait même ordonné ; mais les lenteurs qu’éprouva l’exécution de ses ordres dégoûtèrent M. de Vaucanson. Un homme qui a le sentiment de son génie s’indigne d’être réduit à solliciter comme une grâce la permission de l’employer.

Chaque grand mécanicien (et la même remarque peut s’appliquer dans les autres sciences à tous les hommes d’un véritable génie) imprime à toutes ses productions le caractère propre de son talent : c’est presque toujours la même marche, la même méthode, la réunion d’une ou deux idées toujours les mêmes. En examinant les travaux de M. de Vaucanson, on voit qu’il tendait toujours à donner aux mouvements des grandes machines la précision, l'u-