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ÉLOGE DE M. DE VAUCANSON.


perfection des arts, et même au bien général des hommes, à qui la nature offrira toujours plus d’emploi utile de leur temps et de leurs forces que leur industrie ne trouvera de moyens.

M. de Vaucanson fut consulté par le gouvernement, dans une discussion où l’on faisait valoir l’intelligence peu commune que devait avoir un ouvrier en étoffe de soie, dans la vue d’obtenir en faveur de ces fabriques quelques-uns de ces privilèges que l’ignorance accorde souvent à l’intrigue, sous le prétexte si commun et si souvent trompeur du bien public ; il répondit par une machine avec laquelle un âne exécutait une étoffe à fleurs : il avait quelque droit de tirer cette petite vengeance de ces mêmes ouvriers qui, dans un voyage qu’il avait fait à Lyon, le poursuivirent à coups de pierres, parce qu’ils avaient ouï dire qu’il cherchait à simplifier les métiers : car depuis la fabrique d’une étoffe jusqu’aux objets les plus élevés, quiconque veut apporter aux hommes des lumières nouvelles doit s’attendre à être persécuté ; et les obstacles de toute espèce qui s’opposent à toute innovation utile, tirent leur principale force des préjugés de ceux même à qui l’on veut faire du bien. M. de Vaucanson ne regardait cette machine que comme une plaisanterie, et en cela il était peut-être trop modeste ; le travail de veiller sur de pareils métiers qu’on pourrait faire mouvoir par des moulins, et de renouer les fils qui se cassent, demande moins de force, d’intelligence, un moins long apprentissage que n’en exigent les métiers actuels ; et la plus sévère économie des