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ÉLOGE DE M. DE VAUGANSON

Au bout de trois ans, passés dans cette espèce d’exil, il revint à Paris, ayant eu la délicatesse de refuser les places que son oncle voulait lui procurer, parce qu’il sentait que son goût lui en ferait négliger les devoirs ; mais il revint toujours déterminé à exécuter le flûteur, et surtout à garder un secret plus rigoureux.

Une maladie cruelle vint encore l’interrompre ; ses médecins le condamnèrent à une diète de soixante jours, pendant laquelle il gardait le lit ; il profita de cette solitude forcée pour s’occuper de son flûteur, et il eu imagina les différents mécanismes avec tant de précision, il détermina avec tant d’exactitude la forme et les dimensions de chaque pièce, qu’en se relevant de son lit, il n’eut qu’à en donner le dessin à divers ouvriers chargés séparément d’exécuter les différentes parties de l’automate : sans aucune correction, sans aucun tâtonnement, la machine tout entière résulta de la combinaison de ces pièces. M. de Vaucanson cependant n’était pas sûr de la réussite, il n’osait avoir des témoins de son premier essai ; il écarta même, sous prétexte d’une commission, un ancien domestique qui lui était attaché depuis longtemps ; mais ce domestique avait vu des préparatifs, il avait pénétré une partie du secret de son maître, il ne put se résoudre à obéir ; caché auprès de la porte, il écoute avec attention ; bientôt il entend les premiers sons de la flûte ; à l’instant il s’élance dans la chambre, tombe aux genoux de son maître qui lui paraît alors plus qu’un homme, et tous deux s’embrassèrent en pleurant de joie.