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ÉLOGE DE M. DUHAMEL.


de vanité lui était étrangère, que sa vie fut toujours simple comme ses discours et ses manières, je ne dirai rien que le récit de ses travaux n’ait fait deviner à tous ceux qui savent combien l’amour de l’étude est un excellent remède contre toutes ces passions qu’enfantent l’oisiveté ou les préjugés. Sa franchise avait quelquefois de la dureté ; sa vivacité pouvait paraître de la brusquerie ; mais il avait un cœur droit ; il était bon ; ses défauts semblaient n’être que ses vertus mêmes portées jusqu’à l’excès ; on ne pouvait s’empêcher de les lui pardonner, et on eût à peine osé désirer qu’il ne les eût pas.

Il avait dans sa maison un ordre qu’il serait dangereux d’imiter si on était moins sûr de soi ; il savait que jamais il ne serait tenté de faire une dépense inutile, et en conséquence sa manière de vivre une fois décidée, il recevait et dépensait sans songer à tenir jamais aucun compte.

M. Duhamel était attaché à l’Académie par principes, par goût, par l’habitude, par la considération même que son assiduité, ses travaux, son zèle, ses vertus lui avaient méritée parmi nous. Quoiqu’il aimât beaucoup les innovations dans les sciences, et qu’il se fût appliqué toute sa vie à en introduire d’utiles dans les arts, il ne les aimait point en politique, et encore moins dans le régime intérieur de corps littéraires. Ce n’est pas qu’il crût que tout fût bien dans la constitution des États ou des académies ; mais il regardait le temps que les changements consomment, l’espèce d’agitation qu’ils causent nécessairement, comme une perte pour les