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ÉLOGE DE M. DUHAMEL.


fin, cherchent dans leurs lectures plutôt une instruction de détail que des idées nouvelles ; et un auteur écrit toujours bien quand il a le style qui convient à son sujet et à ses lecteurs.

L’aversion naturelle de M. Duhamel pour les systèmes s’était accrue avec l’âge, et elle paraissait s’étendre jusqu’à toute espèce de recherches théoriques, quoique souvent lui-même eut développé dans ses ouvrages la nécessité de ne point négliger la théorie ; mais le zèle de l’utilité publique était en lui une véritable passion, et toutes les passions exagèrent : cette passion a nui quelquefois à sa gloire, à ses succès, à cette utilité même qui en était l’objet. En examinant les effets d’un coup de tonnerre qui avait frappé un sonneur à Pithiviers, M. Duhamel saisit une analogie si forte entre ses effets et les phénomènes de l’électricité, qu’il ne put s’empêcher de reconnaître l’identité de leur cause. Malheureusement, M. de Réaumur donne à cette heureuse conjecture le nom si effrayant de système ; aussitôt M. Duhamel sacrifie cette partie de son mémoire ; il efface, comme une vaine opinion, ce qui, peu d’années après, devient un des faits les plus importants et les plus utiles dont la découverte ait honoré notre siècle.

En disant que M. Duhamel eut une probité sévère, un désintéressement que rien ne put altérer, et qu’il porta jusqu’à ne pas songer même aux intérêts de sa famille ; que ses revenus étaient employés en expériences, en dépenses pour l’impression de ses ouvrages, que toute espèce de faste et presque