Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/641

Cette page n’a pas encore été corrigée
621
ÉLOGE DE M. DUHAMEL.


alors l’aversion pour les théoriciens doit être pins forte encore, parce qu’on trouve leurs prétentions d’autant plus injustes que les connaissances pratiques ont plus coulé : aussi M. Duhamel eut-il souvent de la peine à se faire écouter des officiers de la marine, surtout dans ses premières inspections. Les sciences, moins cultivés qu’aujourd’hui, moins répandues dans les différentes classes de la société, commençaient à peine à triompher des préjugés anciens qui les avaient dégradées, et des préjugés nouveaux que l’ignorance avait élevés contre elles ; elles n’avaient alors ni autant de considération, ni autant de ressources ; elles étaient moins utiles, et leur utilité n’était pas si bien reconnue.

Dans les nombreux voyages que M. Duhamel fit dans les ports pour exécuter des expériences en grand, pour examiner des questions relatives aux constructions, ou aux établissements de marine, pour essayer des machines ou des instruments, il trouva plus d’une fois des difficultés à essuyer ; niais il en sut triompher par les deux moyens les plus sûrs peut-être pour désarmer l’amour-propre, la modestie et cette pureté d’intentions et de conduite à laquelle cèdent à la longue et toutes les haines et toutes les passions.

Un jeune officier, cherchant peut-être à l’embarrasser, lui fit un jour une question. Je n'en sais rien, fut dans cette circonstance, comme dans bien d’autres, la réponse du philosophe. A quoi sert-il donc d'être de l'Académie ? dit le jeune homme. Un instant après, interrogé lui-même, il se perdait dans