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ÉLOGE DE M. DUHAMEL.


périe des saisons, forcé, pour conserver sa denrée, à des précautions souvent coûteuses, a de plus à craindre l’effet des restrictions mises trop souvent à la liberté de la vente, entraves d’autant plus funestes aux propriétaires et au peuple, que cette denrée est plus nécessaire. Aussi M. Duhamel s’est-il écarté, dans ce seul point, du silence respectueux qu’il s’était imposé sur tout ce qui tient à la législation ; il a osé plaider la cause de la liberté du commerce des grains, parce qu’il la croyait liée à la sûreté des subsistances, à la prospérité de l’agriculture ; et il l’a plaidée avec courage dans un temps où le préjugé qu’il attaquait avait des défenseurs irrités et puissants, qui pouvaient trouver plus sûr et plus facile de se venger que de répondre.

Dans les dernières années de sa vie, il eut la consolation de voir former un établissement destiné à perfectionner la pratique de la mouture et de la boulangerie ; nommé membre de ce comité qui voulait se décorer d’un nom si célèbre, ceux qui le composaient lui témoignèrent la crainte de ne pas le voir aussi souvent à leurs séances qu’ils l’auraient désiré : Je m'y ferai plutôt porter, répondit-il. Il voyait quels heureux effets devaient résulter d’une société où l’on s’occupait de la subsistance du peuple, non, comme il en avait gémi si souvent, pour la rendre plus chère et plus incertaine, en multipliant des règlements inutiles et dangereux, mais pour perfectionner la manière de la préparer, afin d’obtenir d’une même quantité de blé ma nourriture plus saine, plus agréable, plus abondante, et par là pro-