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ÉLOGE DE M. DUHAMEL.


oignons sains, placés à côté d’oignons infectés, éprouvaient bientôt le même dépérissement. Le gouvernement consulta l’Académie, et elle crut devoir charger de sa réponse M. Duhamel, qui cependant n’était pas encore académicien.

Il trouva que la maladie était causée par une plante parasite qui s’attache à l’oignon du safran, se nourrit aux dépens de sa substance, et, s’étendant sous terre d’un oignon à l’autre, infecte tout l’espace où on lui permet de se répandre. L’Académie vit dans ses recherches tout ce qu’elle devait attendre des lumières, du zèle, de l’exactitude de M. Duhamel, et elle se hâta d’en faire un de ses membres.

Depuis la renaissance des lettres, la plupart des savants, à l’exception des seuls médecins, semblaient ne s’être occupés de l’application des sciences à l’usage commun, qu’autant qu’il le fallait pour prouver qu’elles ne sont pas inutiles ; aussi regardait-on presque tous les savants comme des hommes qui servaient plus à la gloire qu’à l’avantage réel des nations. Ce préjugé s’est dissipé dès que les sciences, rendues plus communes, ont été mieux connues ; et on a dû chercher à les rappeler vers la pratique, lorsque, s’étant enrichies successivement des travaux de plusieurs générations, on a pu faire avec plus de facilité d’heureuses applications des vérités déjà établies, tandis que la découverte de nouvelles vérités devenait de jour en jour plus difficile. M. Duhamel se trouva placé dans cette époque, et il n’hésita point à se consacrer à l’utilité publique, dût-il lui en coûter un peu de sa gloire.