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ÉLOGE DE M. MARGRAAF.


jugements ne sont pas toujours justes, l’habitude de s’y soumettre n’est pas sans dangers ; et si on réduisait la culture des sciences aux travaux dont l’opinion publique doit être la récompense, on verrait bientôt cette opinion s’égarer de plus en plus, et mettre à leurs progrès réels une limite que le temps et le génie pourraient à peine reculer.

M. Margraaf était né avec un tempérament faible que le travail eut bientôt épuisé. Des convulsions habituelles furent les premiers symptômes des infirmités qui le conduisirent lentement au tombeau.

Lorsqu’en 1777 il fut nommé associé étranger de l’Académie, il était mourant ; et il fut également sensible au plaisir d’obtenir une place qu’aucun chimiste n’avait encore occupée, et à la douleur de ne pouvoir plus exprimer sa reconnaissance en justifiant par de nouveaux titres le choix de l’Académie. Cependant il reprit un peu de force, redevint capable de s’occuper, de suivre les travaux qu’il avait commencés, et de paraître quelquefois à l’Académie de Berlin ; mais ces moments de relâche furent très-courts, et il succomba enfin à ses maux le 7 août 1782.

A la fatigue d’un travail opiniâtre, à l’effet inévitable des substances actives ou même vénéneuses sur lesquelles il opérait, se joignit peut-être un peu d’intempérance. Si la nature l’avait formé tempérant, il ne s’en fût pas écarté ; mais les hommes vraiment occupés ne peuvent guère s’assujettir à ces attentions continuelles qu’exige un régime, à cette lutte éternelle contre leurs penchants, qui les fatigue et les