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ÉLOGE DE M. MARGRAAF.


doutes sur la vérité à laquelle il est conduit : ses résultats ont une précision qui n’était pas connue avant lui, et qui depuis n’a été surpassée que par M. Bergman et par un chimiste français que sa modestie ne me permettrait pas de nommer ici. Mais on chercherait vainement, dans les mémoires de M. Margraaf, ces idées, ces vues que d’autres savants se plaisent à prodiguer dans les leurs, et qui souvent leur font plus d’admirateurs, ou plutôt d’enthousiastes, qu’ils n’en auraient obtenu par de véritables découvertes : un lecteur superficiel pourrait même croire que M. Margraaf n’était qu’un observateur exact et laborieux ; mais en suivant ses procédés et ses méthodes, on voit que, plus fécond en vues et en idées que les inventeurs des plus brillants systèmes, il s’était fait une loi d’attendre, pour les exposer au public, qu’elles eussent été vérifiées par le succès, et de se borner à dire ce qu’il savait, et non ce qu’il avait soupçonné ; ce qu’il avait trouvé, et non ce qu’il se proposait d’examiner. Cette méthode de traiter les sciences est celle d’un véritable ami de la vérité, qui la cherche pour elle-même, et qui l’aime pour le plaisir de la trouver ou de la connaître.

Dans un temps où l’orgueil ne rougit même plus d’avouer le culte servile qu’il rend à l’opinion, peut-être n’est-il pas inutile d’observer qu’il est encore quelques hommes qui n’ont pas fléchi le genou devant cette idole, et qui n’ont pas cru que les jugements d’autrui dussent être le seul mobile de leurs travaux, le seul prix de leurs efforts. Comme ces