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ÉLOGE DE M. MARGRAAF.


la force de tète capable de rassembler beaucoup d’idées et d’en suivre les combinaisons ; mais lorsqu’il faut de plus créer à la fois et les méthodes qu’on emploie, et jusqu’aux questions qu’on se propose de résoudre, on a besoin de réunir cette justesse qui empêche de s’égarer, cette finesse qui démêle les petites nuances des objets, cette hardiesse à laquelle la vue des difficultés n’inspire que le désir plus ardent de les vaincre ; qualités rares en elles-mêmes, et qui, dans les esprits d’une trempe commune, semblent s’exclure mutuellement.

Les arts doivent aussi quelques découvertes à M. Margraaf, celle de la composition d’une laque rouge pour la peinture, dont le secret était perdu ; celle d’un moyen d’obtenir la fécule bleue de la guède, en la retirant d’un insecte qui se nourrit des feuilles de cette plante, et se charge de sa couleur ; enfin, plusieurs compositions de pierres factices qui imitent la dureté et le brillant des pierres précieuses, autant que le permet la différence des moyens employés à les produire : ce dernier objet, considéré par rapport aux sciences, n’est pas même sans utilité ; la comparaison des propriétés physiques des pierres naturelles et des pierres factices, avec leurs propriétés chimiques et les différences qu’elles présentent dans leur analyse, peut nous conduire à des connaissances importantes sur les lois d’après lesquelles la nature exécute ces opérations, dont elle a caché le secret dans le sein de la terre.

On ne peut refuser à M. Margraaf la gloire d’avoir été un des savants de ce siècle qui ont le plus per-