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ÉLOGE DE M. DE MONTIGNI.


point à l’amitié, il savait rendre les sciences respectables par le ton qu’il avait dans la société, comme par sa conduite dans les fonctions de ses places.

Il ne s’était point marié, et ce lien n’avait pas été nécessaire à son bonheur ; assez heureux pour conserver sa mère très-longtemps, et pour lui rendre des soins dans une longue vieillesse, il aimait avec l’affection d’un père ses deux nièces. Mme la comtesse de Mellé et Mme la comtesse de Sabran. Il avait trouvé en elles une tendresse égale à la sienne, et tout ce qui pouvait répandre des charmes sur sa vie, l’union des grâces et de la sensibilité de leur sexe, avec un caractère solide et une raison éclairée.

Sa santé, qu’il avait toujours ménagée, s’altéra l’hiver dernier. Il sentit par cet instinct que la nature nous a donné, que sa fin était prochaine ; mais, ne voulant pas affliger les personnes qui lui étaient chères, il cachait avec soin ce sentiment, les entretenait d’espérances qu’il n’avait plus, et parlait tranquillement de sa convalescence, au moment même où il sentait que la mort allait terminer une existence devenue pénible. Il jouissait, au milieu de ses maux, des soins de ses amis et des agréments de leur société. Voilà encore une bonne journée de passée, grâce à vous et à mes amis, dit-il un jour à Mme la comtesse de Mellé, lorsqu’elle le quittait. Je me sens bien mal, lui dit-il encore le jour de sa mort ; et, se reprenant bientôt : C’est la faute du temps, ajouta-t-il ; ne vous fait-il pas bien mal aussi ? Quelques heures après, il dit adieu à ses nièces, et les pria de le quitter : elles insistèrent pour rester