Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/615

Cette page n’a pas encore été corrigée
595
ÉLOGE DE M. DE MONTIGNI.


gloire. Lorsque l’Académie, voulant honorer le génie d’un de ses membres moins ancien que lui, donna le titre de pensionnaire surnuméraire à M. D’Alembert, M. de Montigni s’empressa d’applaudir au vœu de la Compagnie, et d’appuyer de son consentement cette préférence accordée à son ami sur lui-même. Il admettait à partager cette amitié si précieuse ceux même qui ne pouvaient la mériter que par leur zèle et par leurs efforts ; et c’est à ce titre qu’il m’a été permis d’être placé dans une liste si honorable.

M. de Montigni pensait (et sa conduite fut toujours conforme à ce principe) que des hommes qui n’ont qu’un même objet, la connaissance de la vérité, qu’un même but, l’utilité de leurs semblables, doivent, pour leur intérêt comme pour le bien de leur cause, être unis entre eux, et se contenter chacun de la portion de talent que la nature lui a donnée, et du bien qu’elle l’a rendu capable de faire : ainsi l’on voit ces astres différents en éclat et en grandeur, mais également nécessaires à l’ordre du monde, unis entre eux par une force commune, suivre en paix leur marche éternelle, tandis que ces météores passagers, fruit impur des exhalaisons de la terre, se poursuivent, se combattent, et disparaissent ensemble.

M. de Montigni vivait beaucoup dans le monde ; il savait tempérer sa gravité naturelle par de la douceur et de la gaieté ; poli sans affectation, conservant toujours une sorte de dignité qui repoussait la familiarité, mais inspirait les égards, et ne nuisait