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ÉLOGE DE BLONDEL.


un temps où les modernes avaient la modestie de croire qu’il était impossible d’égaler les anciens, surtout dans la poésie, et il était assez simple que ce préjugé fût alors presque général.

Corneille, Molière, la Fontaine, Racine, qui ont surpassé les anciens en tant de choses, étaient encore vivants, et les grands hommes ne sont jamais mis à leur véritable place que par la postérité [1] ; surtout l’on ne pouvait opposer aux zélateurs de l’antiquité cet homme illustre, pour qui seul la reconnaissance et l’admiration de son siècle ont prévenu le culte des races futures, et qui, semblable à ces enfants du ciel, adorés dans les temps héroïques, unit, à la gloire d’être un poète sublime, la gloire bien plus touchante d’être compote parmi les génies bienfaiteurs de l’humanité.

Blondel était architecte. On a de lui un ouvrage où il s’est élevé peut-être au-dessus de ce que les anciens nous ont laissé déplus beau en ce genre : c’est l’arc de triomphe de la porte Saint-Denis ; monument précieux qu’admirent également les artistes nationaux et étrangers, en déplorant la négligence barbare qui le laisse dépérir. Les inscriptions latines, gravées sur cette porte, sont aussi l’ouvrage de Blondel.

Les connaissances mathématiques de Blondel lui valurent le titre de docteur au Collège royal, et ses travaux pour l’architecture, la place de directeur de l’Académie, érigée par Colbert en faveur de cet art.

  1. Voltaire doit servir de réponse à ceux qui disent que les poètes modernes n’ont point produit ces effets merveilleux que les poètes anciens produisaient sur leur siècle.